Jour 5 + 6

Jour 5 : Moments Suspendus au Pied du Canigou

Je me lève plus tard que prévu. La fatigue accumulée m'incite à profiter d'un peu de repos supplémentaire, sachant que demain, je devrai me réveiller vers 4 heures pour atteindre le sommet au lever du jour. Le sentiment d'anticipation commence à se mêler à la tranquillité du matin.

Je prends mon petit déjeuner en compagnie de David et Simon. L'atmosphère est détendue, nos discussions légères mais teintées d'excitation pour la journée qui nous attend. Une fois nos sacs prêts, j'attaque mes cinq heures de marche.

L’aventure commence dès que je quitte le campement. Sur ma route, je croise plusieurs randonneurs, chacun avec son propre rythme et ses propres histoires. Les vaches, imperturbables et imposantes, occupent parfois le passage, et leurs bouses éparpillées jonchent le chemin. Esquiver ces obstacles devient un jeu d’équilibre inattendu, chaque pas devant être soigneusement calculé pour éviter une mésaventure malodorante. Ce léger désagrément me fait sourire, ajoutant une touche d’authenticité à l’expérience.

Je longe la paroi rocheuse, offrant une vue à couper le souffle sur la chaîne des Pyrénées. Chaque virage dévoile un panorama encore plus époustouflant que le précédent. L’immensité des montagnes me rappelle ma propre petitesse face à cette nature majestueuse. Chaque pas me rapproche du majestueux Canigou, dont la silhouette se dessine de plus en plus nettement à l'horizon. L'excitation monte en moi!

Sur ma route, à travers les sentiers escarpés des montagnes, un éclat de métal attire mon attention. En m'approchant, je découvre les restes d'une carcasse d'hélicoptère, métal tordu, témoignage silencieux d'une tragédie passée. La scène est poignante, rappelant avec force que la montagne peut être impitoyable, indifférente aux ambitions humaines.

Au milieu des débris, un requin est dessiné avec simplicité. Ses contours simples semblent transmettre un message subtil : la nature, représentée ici par cet animal marin improbable en montagne, est bien plus forte que l'homme. Malgré nos avancées technologiques et nos conquêtes, nous restons vulnérables face à la puissance brute de la nature.

Les dangers de la montagne, insaisissables et souvent imprévisibles, ne pardonnent pas. La météo peut soudainement tourner, les conditions atmosphériques changer rapidement, et chaque pas doit être calculé avec soin. Cette rencontre avec les restes de l'hélicoptère et le tag du requin gris est un rappel poignant de notre fragilité dans cet environnement sauvage.

Arrivé au pied du Canigou, je trouve un étang tranquille où je décide de m’installer. Je pose ma tête sur mon sac et laisse mes pensées vagabonder. Le calme environnant apaise mon esprit, et je m’abandonne à une rêverie ... Les randonneurs qui descendent du sommet passent devant moi, leurs visages marqués par l’effort et la satisfaction. Inspiré, je sors mon appareil photo et commence à capturer les petits détails qui m’entourent : une pive solitaire, les reflets dans l'eau, la brume enveloppant le paysage, les jeux d'ombre et de lumière. Pieds nus, je sens la fraîcheur de l'herbe sous mes pieds. Quel délice! Chaque sensation est amplifiée, chaque moment est savouré.

À 18 heures, je commence à chercher un endroit pour installer ma tente. L'endroit idéal trouvé, je prépare mon campement au milieu de la végétation. Je m'assois pour un repas simple mais réconfortant : des nouilles chinoises et un thé à la menthe. La solitude de la montagne m’enveloppe, créant une bulle de calme et d'introspection.

Je règle mon réveil à 4 heures du matin, le cœur rempli d’anticipation pour l’ascension à venir. En m’enfilant sous la couette, je ressens un mélange d’excitation et de tranquillité, prêt à affronter les défis du lendemain. L’obscurité enveloppe le campement, et le chant des oiseaux nocturnes berce mon esprit. Je m'endors avec l'espoir d'une nuit reposante, ignorant que cette nuit serait loin d'être paisible ...

Jour 6 : Sommet et sourires

La nuit est agitée, ponctuée de réveils fréquents. Le vent secoue ma tente, comme s'il veut me rappeler la fragilité de mon refuge dans cette nature impitoyable. À 4 heures du matin, mon réveil sonne. L'excitation de l'ascension à venir se mêle à la fatigue persistante, un dilemme entre le confort présent et la promesse d'une aventure épique au sommet du Pic du Canigou. David m'avait peint l'expérience avec des couleurs éclatantes, ses yeux pétillants de souvenirs et d'émotion devant les images saisissantes de l'aube au Pic du Canigou. Je sens au fond de moi une obligation de vivre cette magie, de goûter à ce que la montagne a à offrir.

Déterminé, je replie mon sac de couchage, je plie ma tente dans l'ombre grise de l'aube naissante et m'élance dans l'obscurité vers le sommet convoité. Le jour se lève doucement, une lueur timide éclairant à peine le sentier rocailleux devant moi, tandis que le vent siffle entre les parois rocheuses.

L'angoisse me gagne alors que je presse le pas, craignant de rater le début du lever de soleil tant attendu. Les falaises se dressent impérieuses, m'empêchant de contempler le spectacle qui se joue au-dessus de l'horizon. Chaque avancée est une lutte contre la fatigue, une bataille contre la peur de ne pas arriver à temps pour voir cette aube si spéciale. Je crie pour me motiver à continuer, mes pas résonnant avec détermination malgré l'effort et les doutes. Je dois y arriver!

Après 1 heure et 20 minutes de montée intense, mon combat contre les éléments et mes propres limites est terminé. Enfin, au sommet du Pic du Canigou, à 6h30 précises, je suis récompensé par un spectacle grandiose. Devant mes yeux ébahis, la lune pâlit lentement dans le ciel occidental, tandis que le soleil émerge majestueusement à l'est, peignant les cieux de teintes d'or et de rose. Un sentiment d'accomplissement envahit mon cœur, laissant place à une gratitude profonde pour ce moment unique et fugace.

Un groupe de randonneurs m'accueille chaleureusement. Julien, Maxime, Gabriel et moi, sourires complices aux lèvres, nous capturons à tour de rôle ce moment suspendu dans le temps, marquant nos âmes de cette expérience partagée de beauté et d'émerveillement.

Pourtant, au moment de repartir vers la cheminée, l'appréhension me saisit. Mon lourd sac semble être une entrave dans cette étroite fissure rocheuse. Hésitant, je me demande si je dois continuer. Les doutes resurgissent, et je me rappelle ma résolution : écouter mes instincts, éviter de répéter les erreurs passées. Avec un pincement au cœur, je décide finalement de faire demi-tour, choisissant de suivre le sentier du GR10.

La descente est animée, un flux constant de randonneurs se croisant et se dépassant. Assoiffé d'aventure, je choisis un chemin moins fréquenté, qui mène à un chantier de barrage en activité. "Attention, dépêchez-vous avant que l'hélicoptère ne revienne !" me lance un ouvrier. Je franchis rapidement le barrage et m'engage dans une montée abrupte où la végétation sauvage reprend ses droits. Le panneau "accès interdit au public" me fait sourire, ajoutant un frisson d'interdit à mon exploration.

L'aventure se dévoile à chaque pas. Une légère pression monte alors que je me demande si le chemin sera entièrement praticable. Les obstacles naturels semblent se dresser contre moi. Mais c'est précisément cela qui me pousse : l'incertitude, le frisson de l'inconnu.

Je me retrouve face à quelques descentes vertigineuses. Avançant avec précaution, je veille à chaque pas. Mes sens sont en éveil. Parfois, mon cœur s'emballe légèrement, mais je surmonte ces moments. Bien que j'aie évité la cheminée au Pic du Canigou, je sens que ce besoin d'adrénaline était tout de même nécessaire.

Finalement, après cette série de défis et de découvertes, j'atteins le village de Casteil. Là, un plat copieux m'attend pour le midi, réconfort bien mérité après une matinée riche en aventures et en émotions intenses.

Je suis à la recherche d'un gîte à Py, cherchant désespérément un refuge. Au milieu de la compétition de la traversée des Pyrénées, je me retrouve devant la dernière chambre d'hôte disponible. Désireux de recharger mes appareils électroniques et de profiter d'une douche chaude et d'un bon lit, j'accepte de prendre cette chambre qui est hors de mon budget. Mais je me fais ce petit plaisir.

L'aubergiste, d'une générosité sans pareille, m'accueille chaleureusement avec une boisson réconfortante. L'épuisement de la journée pèse sur mes épaules, mais la chaleur de son accueil commence à dissiper cette lourdeur. La terrasse est bondée, et pourtant, je ressens une curiosité et une excitation lorsque je demande s'il serait possible de partager la table déjà occupée par deux randonneurs : JC (Jean-Christophe) et Nico, venus d'Hendaye après trente jours d'aventure.

Dès les premiers échanges, une complicité naturelle s'installe entre nous. Nous partageons nos expériences de vie, nos métiers, nos aspirations, comme si nous avions été amis depuis toujours. Il y a une magie dans ces rencontres spontanées, une authenticité qui ne se trouve que dans ces moments partagés sur les chemins de l'inconnu.

Nico, sans expérience préalable en montagne, a entrepris cette traversée après avoir été licencié. Armé seulement d'une tente et d'un sac de couchage, il cherche à marquer une réussite personnelle et à trouver un nouveau départ dans sa vie. À 35 ans, il porte le poids de ses échecs perçus, se sentant parfois incompétent, sans femme ni enfant, avec aucune réalisation marquante à son actif. Malgré ses doutes, sa détermination à surmonter ses peurs et à atteindre son objectif est palpable et profondément inspirante. Je ne peux que l'encourager et le féliciter pour sa résilience et sa volonté d'avancer.

JC (Jean-Christophe), passionné de montagne et aventurier aguerri, a pris Nico sous son aile sur le chemin, l'aidant à surmonter les défis de cette traversée. Ensemble, ils ont investi dans l'équipement adéquat pour maximiser les chances de succès de Nico, forgeant ainsi une amitié sincère et solide au fil des sentiers escarpés. En regardant leur complicité, il est difficile de croire qu'ils ne se connaissent que depuis 30 jours. Leur empathie mutuelle est évidente et réconfortante.

La venue de Christian et d'un couple de randonneurs apporte encore plus d'ambiance à notre petite assemblée. Christian, plus de 70 ans, est un ancien grand marathonien, une force de la nature qui a autrefois couru un marathon par jour pendant 10 jours dans le désert. Avec plus de 50 jours de marche derrière lui, il est obstiné à arriver jusqu'au bout. Il est un exemple impressionnant de détermination et de capacité athlétique, et sa présence ajoute une note de sagesse et de courage à notre soirée.

L'aubergiste nous surprend en nous offrant généreusement des plateaux d'huîtres, des galettes aux saucisses, des bières et encore des huîtres. Chaque bouchée est un régal pour les papilles, chaque anecdote partagée enrichit notre soirée dans cette atmosphère hors du temps, créée par cet homme au grand cœur. Je suis surpris par tant de générosité. L'aubergiste comprend la difficulté et la pénibilité de la marche en montagne, et il tient à ce que chaque randonneur soit choyé comme un roi, apportant de la chaleur humaine après tant d'efforts.

Les heures s'écoulent sans que nous y prenions garde, les descentes de bière se multiplient. Nico et JC avaient initialement prévu de repartir, mais notre rencontre les a convaincus de planter leur tente dans le parc du village, absorbés par cette soirée inattendue de convivialité et de partage. 

Alors que je m'endors, des pensées excitantes pour la journée à venir me traversent l'esprit. Demain, l'aventure continue. Le lever du jour révélera un nouveau chapitre de cette épopée à travers les Pyrénées, une histoire encore en train de se dévoiler, pleine de surprises et d'émotions. Que me réserve cette prochaine étape de l'aventure? Il me tarde de le découvrir.